Divers

Chapitre 1

Ambiance d’écriture :

L’histoire que je m’apprête à vous raconter n’a jamais fait l’objet d’un making-of du même ordre que « Le sel de la terre » récompensé en 2014 par le Festival de Cannes. Il y a bien des documentaires, des carnets de voyage illustrant ces épopées, des légendes même ; mais, si les reliefs, modelés de montagnes, de forêts, de glaciers, de lacs, de rivières et de vallées sont ponctuellement le terrain de jeu de quelques réalisateurs, l’extraordinaire aventure de ce trappeur ne vous a jamais été proposé en streaming ou en papier glacé. 

C’est lors de mon dernier voyage, qu’il m’a été donné de rencontrer un personnage hors du commun. Un hurluberlu, passionné d’histoire, de Nouvelle-France et de récits amérindiens. Il était là, posé dans un transat de grand confort, lorsque je l’aperçu. Moi, accroché au bastingage, ballotée par une forte houle, curetée par un vent polaire, je n’avais pas imaginé partager le pont, tant la météo était mauvaise. Quelques instants auparavant, le capitaine de navire, avait encouragé les passagers à se réfugier dans leur cabine pour supporter le soulèvement et profiter d’une cuvette à proximité, histoire de se délivrer d’un mal de mer têtu. Nous, deux vibrions inconscients, insouciants et excités de dévorer un panorama saisissant et rare dans nos vies de citadins, avions décidé de ne pas entendre les recommandations. Alourdi d’un gilet de sauvetage peu seyant, nous copinions avec mère nature alors que les baleines, d’ordinaire téméraires, s’étaient mises à couvert et avaient plongées vers les abysses. 

Malgré le bruit des machines, le bruit de l’air, il écrivait lentement, soucieux de sa calligraphie. Critérium fourni en mines et gomme dans le creux de ses cuisses resserrées, il m’observait de temps à autre. L’un de ses sourires me décida à le rejoindre. Sans demander autorisation, je pris la même position sur un fauteuil de toile et attendit qu’il amorce une conversation. 

– biologiste marin ?

– non

– pigiste alors ?

– non plus. Je suis cartographe des espaces à risques, avais-je fini par confier

– Ah ! 

– écrivain ? lui demandais-je à mon tour.

– non

– écrivain inaccompli alors ?

– Hahahahah ! Votre arrogance est brusque mais divertissante. 

Les lèvres pincées, le regard appuyé, il hocha la tête avant de tendre le bras pour vérifier les aiguilles d’un cadran à fuseaux horaires. 

– Veuillez m’excuser mes affaires m’obligent à quitter la plateforme et votre compagnie. Puis-je espérer vous revoir ? 

– Faisons confiance au hasard ! avais-je ânonné

Il grimaça, referma son calepin, enfouit le petit objet mou et caoutchouteux dans la poche de son caban et s’extirpa de la chaise longue avec aisance. La semelle de sa boots gauche vint tapoter, à deux reprises, celle de droite et ce n’est qu’une fois que le tombé de son Jeans était net, qu’il avança d’un pas décidé vers la proue. Le frimas, les embruns et les tourbillons de vents m’empêchèrent de le traquer. Il avait disparu comme il était apparu.

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